Intégrer une histoire dans un jeu, c’est une chose. Intégrer une bonne histoire en est une autre. Mixer les éléments d’interaction et mécaniques avec le scénario est un exploit. C’est pour ça que Brothers: A Tale of Two Sons existe.
Le jeu a été acheté par l’auteur bien qu’un code fut fourni à des fins critiques.
Préface: Depuis quelques temps, j’ai fait l’erreur de mettre des arguments sur des jeux auquel je n’ai jamais joué mais ça a changé. Je suis toujours prêt à donner la chance au coureur et élargir mes horizons et connaissances. Après tout, moi qui détestais les jeux de stratégie limité par des cases à cause de Code Named S.T.E.A.M., j’ai fini par apprécier SteamWorld Heist à cause de l’élément de tir qui proposait un nouveau type de défi sans oublier la variété d’armes et le rythme sans oublier l’atmosphère. Je ne suis pas une personne qui apprécie le focus sur la narration dans les jeux. J’ai beau avoir démoli, en partie, Middle-Earth: Shadow of Mordor au niveau scénaristique mais je reprendrais n’importe quel élément de jouabilité car j’ai rejoué à Shadow of Mordor. Si vous me connaissez, vous savez que je suis quelqu’un qui aime une certaine forme d’intrigue dans le langage corporel mélangé aux mécaniques et l’interactivité. Brothers: A Tale of Two Sons l’avait fait à la quasi-perfection au point de me faire pleurer à plusieurs reprises et, avant Brothers, je n’avais jamais pleuré en jouant à un jeu. Même encore, je repense au jeu et mes yeux deviennent rouges. En fait, j’ai vécu une vague d’émotions différentes durant Brothers que vous dire pourquoi serait vous gâcher l’expérience. Pas l’intrigue… l’expérience, la jouabilité même! J’ai été marqué par Brothers ce qui fait que j’ai des attentes quand on livre la narration dans le médium interactif. Je crois encore qu’il n’y a aucun jeu qui a surpassé Brothers en terme d’histoire et je ne crois pas que rien ne me marquera autant que Metroid Prime en terme de recherche d’information à lire via une mécanique de jeu ou même l’immersion grâce à la liberté d’exploration d’un monde fictif.
Virginia est le premier produit par Variable State et est édité par 505 Games. 505 est un éditeur qui nous a proposés le coloré Abzû (dans la veine de Journey) par Giant Squid mais aussi l’intriguant Brothers: A Tale of Two Sons de Starbreeze (The Chronicles of Riddick) qui reste pour moi le meilleur exemple du mariage entre les mécaniques et la narration. On parle dans le cas de Virginia d’un supposé récit interactif où une femme noire agente de la Federal Bureau of Investigation (FBI) doit enquêter sur la disparition d’une personne. On le fait sous les yeux d’Anne Tarver et c’est là le premier point que je dois adresser: nous ne sommes pas Anne Tarver. Si on était réellement le personnage, on aurait un impact sur le récit ou un moyen de chercher par nous-même les éléments. Vous aurez compris l’usage du mot produit car je crois sincèrement qu’après 2 heures et une complétion du titre. Virginia n’utilise le bon format pour adresser son histoire. Virginia est, permettez-moi l’anglicisme, à côté de la track quand on le compare à Brothers qui fut une expérience si inoubliable que ça a laissé une marque si profonde. Même y penser me donne des frissons.
Tout n’est pas noir, voici les points roses. Certains éléments graphiques et le style choisi est intéressant. J’étais impressionné par le rendu du menu qui était certainement fait à la main ainsi que l’utilisation de couleurs pour bien représenter certains trucs. Au niveau du son, le tout est bien rendu mais là où je peux apprécier Virginia, c’est la musique grâce à la symphonie de Prague. Je réécouterais la musique car je peux apprécier ce genre de musique même hors contexte et je peux féliciter Variable State d’avoir inclus un véritable orchestre dans leur produit. C’est tout ce que j’ai à dire de bon.
Si vous avez apprécié des produits comme Dear Esther, Gone Home ou Firewatch, je crois que vous trouverez votre compte avec Virginia dans la façon que le récit est distribué mais je crois qu’il est extrêmement important que vous sachiez qu’une opinion contraire est aussi valide que celle d’un média qualifié de professionnel (là encore, on peut en débattre). Je savais à quoi m’attendre en quelque sorte mais j’étais prêt à élargir mes horizons parce que… peut-être que j’allais apprécier ce genre… Cela veut-il dire que je ne vous recommande pas Virginia? En fait, cela dépend de vos préférences car j’ai les miennes mais je voulais m’ouvrir l’esprit et le but de cette critique n’est pas de démolir ceux qui aiment ce genre. Ce que vous allez lire ci-dessous sont les raisons pour laquelle je n’ai pas du tout apprécié mon expérience et j’ai préféré vous en avertir avant que certains des plus radicaux me lancent des menaces. Maintenant, pourquoi ai-je détesté Virginia?
La présentation met en place des barres noires et ce fut immédiatement un avertissement en ce qui me concerne. Vous me direz que Resident Evil 4 avait des barres noires quand c’est sorti mais les téléviseurs panoramiques ne furent pas la norme en 2005. L’autre avertissement que j’ai eu est l’inclusion d’un menu constituant les chapitres du récit. J’avais vu ça dans la remise à zéro d’Alone in the Dark de 2008 et lors du « film » Metroid: Other M. Dès le lancement, on a un générique d’ouverture très similaire à un long-métrage. Je peux vous dire qu’on est très loin de ce que Brothers nous a proposés soit une mise en situation dans les trente premières secondes ou même Batman: Arkham Asylum alors que le générique d’ouverture se faisait en même temps qu’on avançait et qu’on emmenait le Joker à sa cellule de l’asile. Cela prendra plusieurs minutes avant de comprendre quel personnage nous sommes censés être ainsi que notre rôle… si nous étions réellement le personnage.
Le tout tourne au vinaigre très rapidement et ce dès les premiers instants car l’ensemble du récit est raconté sans doublage et malgré l’inclusion de sous-titres, il y a des éléments qu’on ne peut pas du tout lire sauf très tard dans le jeu ce qui fait que le moindre détail qui nous permettrait de comprendre l’enquête ou les décisions que prend Anne Tarver font en sorte que je questionne ma place dans le récit car ce ne sont pas nos décisions. Je n’ai pas l’impression d’avoir un impact sur quoi que ce soit. Le tout est présenté sous un format d’action contextuelle sans le sens du contexte ce qui fait qu’on a l’impression de cliquer des annotations sur une vidéo Youtube ou, dans le pire des cas, effectuer un « pixel hunt ». On recherche le prochain élément à cliquer pour progresser dans la prochaine scène mais le tout est monté de façon à ce que rien ne fait réellement de sens. À un moment, on est là mais pas réellement là et le fait qu’Anne n’a aucune émotion dans ce jeu fait en sorte que je dois me forcer à avoir des émotions. Ceci est ce qu’on appelle une déconnexion totale avec le consommateur du produit en question.
Le plus frustrant est le fait que lorsqu’on s’apprête à lire des documents, il peut justement y avoir ces transitions soudaines sans même qu’on puisse avoir le temps de comprendre quoi que ce soit. Elles peuvent même arriver sans que le joueur ait à faire un seul truc ou prenne le temps de réaliser où il est! Même les jeux Batman Arkham qui doivent répliquer l’authenticité de l’oeuvre de Bob Kane ne s’égarent pas de cette manière sauf dans City bien qu’il y ait un contexte. Dans une série TV ou un film… ou même dans un livre, on peut revenir sur une autre page ou rembobiner pour comprendre ce qu’on a manqué. C’est ce que je dois qualifier de fausse interaction car, comme je l’ai dit, je n’ai pas eu l’impression d’avoir un impact sur la dite-progression. J’ai eu l’impression de visiter un musée au lieu de jouer à un jeu… et un musée a l’avantage d’être éducatif! Virginia n’a même pas d’information sur cet État des États-Unis d’Amérique alors qu’une agente de la FBI nous amène dans des endroits sans nom ou sans contexte. L’élément de la disparition n’est qu’un prétexte au réel scénario qui tente d’intégrer des messages politiques… dans un produit qui présente un scénario de faits qui auraient pu se passer en 1992. À cause des multiples transitions, j’avais l’impression d’avoir changé de personnage, je suis complètement sorti du produit et le jeu a tenté d’offrir du symbolisme avec un cardinal et un bison… Le bison, saint-cifrie! (le mot que j’ai utilisé lors de mon expérience fut différent).
Là où j’ai été insulté et c’est le joueur en moi qui parle… c’est le verrouillage de porte que je venais d’ouvrir ainsi que les murs invisibles. Pour un produit qui propose la notion de mener une enquête, on n’a pas du tout de liberté. Je ne pouvais donc revenir sur mes pas. C’est étrange alors que Firewatch existe… On passe une porte et elle se verrouille aussitôt pour nous forcer à effectuer une chasse au pixel cliquable ce qui fait qu’on ne peut pas se poser de question. Les murs invisibles donnent l’impression d’un jeu qui semble plus grand que ce qu’il est réellement. Si on retire l’entièreté des moments où j’ai dû cliquer et faire avancer le récit, je crois que c’est environ 30 minutes où le joueur est réellement impliqué sans être nécessairement « validé ». La seule fois où on a un semblant d’interactivité, c’est pour ramasser des objets dans l’environnement mais il n’y a aucun contexte pour leur emplacement. La seule raison pour laquelle ils sont là, c’est probablement pour des trophées/accomplissements. Le manque de direction pour permettre au consommateur de comprendre ce qui arrive ou comment arriver au prochain objectif démontre aussi une absence totale de rythme et le résultat du récit, l’accomplissement de l’objectif par Anne est tout simplement ignoré et vous dire la raison vous gâcherait la réelle intrigue du jeu mais j’ai fini par détester Anne. Effectivement, c’est de la fausse publicité.
Comme récit, j’ai vu mieux (livres et films inclus, autant dire Le Seigneur des Anneaux). Ayant joué à Brothers, j’ai pu découvrir la différence entre le rôle du joueur qui a un impact et le joueur qui participe au « visionnement ». Les séquences et moments dans Le Seigneur des Anneaux furent aussi forts que ceux de Brothers pour moi mais pas dans le même contexte en tant que médium et c’est la différence à faire. Virginia n’est rien de plus qu’un simulateur de visionnement car le peu d’impact que le consommateur a, le pire le produit en souffre surtout quand il est vendu en tant que jeu vidéo. Je crois sincèrement que Virginia n’est pas du tout dans la bonne catégorie de « médium » pour adresser son récit. L’absence d’état d’échec, l’absence d’interactivité réelle, l’absence de mise en situation, l’absence de défi, l’absence de respect pour le joueur… Oui, j’en suis arrivé à cette conclusion: Virginia n’est pas un jeu vidéo. Myst, Les Chevaliers de Baphomet et Phantasmagoria demandent une implication réelle du joueur pour résoudre les casse-tête et les éléments d’enquête s’il y a lieu. Ce sont des jeux vidéo. Journey est un jeu vidéo car sans maîtriser les mécaniques de saut, on ne peut réellement avancer mais si on maîtrise le tout, on peut ouvrir de nouveaux passages présentant d’autres défis. Journey m’a marqué mais pas autant que d’autres ce qui fait que je respecte Journey. Les produits de David Cage et Until Dawn de Supermassive Games sont des jeux. Chacun des titres nommés présentent des choix qui peuvent avoir un impact sur le déroulement et ces titres peuvent, pour certains, être un plaisir coupable.
Spec Ops: The Line de Yager Development est un jeu vidéo et vous fait effectuer des trucs, dans les mécaniques, que vous n’oseriez jamais effectuer et cela affecte le récit ou même, jusqu’à un certain point, votre façon de progresser ou de percevoir le produit tel quel. Brothers est bel et bien un jeu car vous devez contrôler deux frères en même temps pour surmonter un défi grâce à une intégration originale de la manette afin d’interagir avec les éléments de l’environnement. Ori & The Blind Forest de Moon Studios? Facilement comparable à Brothers au niveau émotionnel lors du début même si ça n’a pas une véritable influence sur le reste du récit et que la jouabilité est complètement différente. Et ai-je réellement besoin de vous rappeler Telltale Games?! Pour 10$, j’aurais voulu jouer aux échecs durant deux heures contre un maître et je crois que j’aurais eu une expérience beaucoup plus satisfaisante. J’ai perdu mon temps et mon argent dans un produit que j’avais sincèrement voulu tenter de donner une chance car je crois qu’il est important d’élargir ses horizons même si parfois l’expérience peut être douloureuse ou, dans ce cas-ci, ennuyante. Si Journey était lancé à 10$ sur PC, je l’aurais acheté aussitôt. Si j’avais 5 amis à qui je pourrais distribuer Brothers en rabais (disons 2$ lors du Temps des Fêtes), je le ferais!
Je ne suis pas un expert en film, je parle de jeux vidéo. Je ne peux rien ajouter de plus sur Virginia car il échoue à prendre les avantages du médium concerné. Je n’ai ressenti aucune forme de joie, sympathie, curiosité, tristesse… Que de l’ennui et de la colère car les émotions que Virginia tentait de me forcer à éprouver, ça n’a pas fonctionné. J’aurais obtenu la même expérience si j’avais visionné Virginia sur Youtube ou Twitch car si on enlève le cliquage nécessaire, que reste-t-il? On se retrouve malgré tout avec une histoire complètement bourrée d’éléments disjoints. Même Pixar livre des messages dans des court-métrages sans dialogues (For The Birds étant mon favori d’entre tous). Est-il mon pire jeu de l’année? Non parce que, comme je l’ai mentionné, je parle de jeux vidéo. Ce n’est pas en copiant les livres ou les films qu’on parvient à créer une bonne histoire dans un jeu vidéo.
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