On dit souvent que l’imitation est une excellente forme de flatterie. Rendre hommage aux classiques est un défi des développeurs. On peut le faire de belle façon et c’est ce qui est arrivé avec Shovel Knight. On peut remettre un classique au goût du jour en modernisant et cela devient Shadow Warrior. Que vous soyez indépendants ou non, il y a certaines bases à respecter.

Hellbound est un projet Kickstarter de la part du studio Saibot Studios basé en Argentine. Le but du projet était de créer un jeu de tir à la première personne correspondant à la philosophie des années 90. Cela reste un parcours difficile à accomplir puisque le marché, plus ou moins saturé par les jeux de tir militaires modernes, a offert en un peu plus de huit ans quelques jeux de tir qui se rapprochent du style d’origine en mettant l’accent sur l’exploration et l’action avant l’histoire. Si Hard Reset fut le premier, Shadow Warrior a réellement démontré l’engouement des joueurs pour un jeu de tir plus intense. Avec la résurrection (et domination) de DOOM sans oublier Wolfenstein: The New Order et son extenseule (stand-alone expansion) The Old Blood, le marché est donc plus exigeant pour créer des jeux de tir adrénaline modernes.

Hellbound se retrouve donc au beau milieu de cette situation malgré sa campagne Kickstarter démarrée en 2018. L’une des phrases lors du lancement officiel du jeu le 4 août 2020 fut « No Glory-Shits » ce qui définit très bien l’attitude de Saibot Studios. Si on attaque le titre qui a permis aux jeux de tir arcade ou adrénaline d’avoir une place en ces temps de surdose de jeux de tir militaires modernes, on indique facilement qu’on peut faire mieux. La surutilisation du mot-F dans le jeu est aussi un petit détail que je pourrais souligner. Je pourrais aussi mentionner le fait que l’interface à l’écran titre ainsi que le style lettrage rappelle le classique d’id Software.

Hellbound plonge le joueur dans le rôle de Hellgore, quelqu’un bloqué en enfer et qui prend plaisir à tuer des démons. Bref, pas réellement d’histoire ou d’élément incitatif pour le connaître. Vous parcourez différents niveaux comme un cimetière, une forêt infernale et des ruines. Il est déjà muni d’une carabine et la musique de genre heavy-metal se fait entendre et pas à peu près. Cependant, un peu comme dans Doom (le classique), la musique ne change pas et comme chaque pièce est un morceau heavy-metal, le tout peut devenir répétitif pour les oreilles. D’ailleurs, le protagoniste sort des répliques provenant parfois de films et, après le vent de fraîcheur que fut DOOM pour son protagoniste, cela devient drôle plus que divertissant. Si on meurt durant un niveau, il rementionnera la réplique malgré tout.

On peut donc trouver des secrets dans les niveaux de Hellbound et ceux-ci sont déterminés par un pourcentage comme à l’époque. Je doute qu’il y ait un incitatif pour les trouver comme la structure des niveaux n’offre pas un chemin clair à suivre. Si le niveau du cimetière est le plus proche d’un labyrinthe, on est loin de la structure que nous connaissons de Shadow Warrior ou même Star Wars: Dark Forces. Le jeu propose un système de clés de trois couleurs différentes et l’interaction pour des commutateurs à activer. Il faut parfois courir (en tenant le bouton Shift) pour franchir ces passages qu’on active avec les commutateurs. Il y a donc très peu de casse-tête ou d’interaction avec le niveau autre que les portes et diverses plateformes. Je ne crois pas la structure et la conception des niveaux soient superbes puisque les mêmes éléments reviennent à chaque fois.

Ce qui blesse évidemment le jeu est le peu de variation des ennemis. Je comprends que c’est un jeu indépendant, mais je n’ai vu en réalité que trois ennemis différents et l’un d’entre eux utilise les mêmes armes que nous (ce qui amène aussi une confusion au niveau sonore). Bien sûr, on a le soldat qui utilise les armes. On a aussi l’équivalent d’un Imp, un démon traditionnel en plus d’un chien infernal (Hellhound) qui nous charge et fait extrêmement mal. Chaque ennemi ne possède qu’une seule attaque et vont régulièrement s’arrêter une fois que nous sommes à leur portée. Cela signifie que vous pouvez facilement courir en cercle autour d’eux et exploiter l’intelligence artificielle. Il n’y a donc pas d’incitatif à zigzaguer autour des démons comme ils ne vont pas tirer au hasard afin de vous forcer à planifier vos mouvements. Ils peuvent être forcés, également, d’utiliser les plateformes pour descendre les rendant complètement ouverts à vos attaques. Cela arrive autant en mode Moyen qu’en mode Difficile où vous perdez plus de points de vies. Leur apparition soudaine à certains endroits scriptée est certainement appréciée, mais elle est si soudaine que certains d’entre eux peuvent nous attaquer et comme le chien infernal fait beaucoup de dégâts, celui-ci sera responsable de nos morts régulièrement.

Je pourrais accepter le peu d’ennemis ou même une structure linéaire si le système de combat était intéressant. Nous avons un total de six armes en tout. Bien sûr, on a nos poings qui peuvent être équippés d’une masse. Je vais clôre le débat de suite: utiliser le corps-à-corps dans ce jeu est inutile puisque les ennemis n’ont pas d’attaque au corps-à-corps. Amener une arme comme celle-ci dans une arène de projectiles est certainement une mauvaise décision (j’aurais pris une arbalète). Évidemment, nous avons une carabine pour démarrer le jeu (l’équivalent ou presque d’un pistolet). Nous obtenons par la suite trois autres armes et l’une d’entre elle est complètement débalancée rendant le reste de votre arsenal inutile. Cela est dommage car un bon jeu de tir à la première personne adapte ses vagues d’ennemis en fonction des armes vous forçant à évaluer les situations. Et comme il est facile de contourner les ennemis dans une arène, vous pouvez imaginer le carnage que peut causer une mitraillette. Le jeu n’escalade pas en difficulté et variété selon votre arsenal ce qui est réellement dommage.

La mécanique de tir (gunplay) aurait pu être intéressante, mais je suis mixte à ce niveau puisque certains ennemis peuvent être réduits en miettes, mais la quantité de sang qui peut être reproduit sur les murs comme effet en récompense pour nos tirs ne correspond pas du tout aux dégâts effectués car les ennemis ne perdent pas de bras ou de jambes. Ils flottent un peu après leur mort. Malgré la variété correcte d’armes, elles semblent manquer de poids ou de kick les rendant simples d’utilisation. C’est au niveau de la conception sonore que je questionne le jeu. Le lance-roquettes est censé être lourd, puissant, brutal… Mais ce n’est point le cas. Même l’explosion sur l’ennemi ou les alentours est peu satisfaisante. Les réactions des ennemis à nos tirs est aussi déficiente comme ils n’émettent pas beaucoup de sons que ce soit un cri de douleur ou de mort. Si les ennemis explosent, vous récupérez de la vie. Sinon, vous aurez des munitions ou de l’armure. C’est ainsi que je peux identifier la boucle d’action. 

J’ai trouvé le jeu monotone, bien que j’aie persévéré. La raison est que je souhaitais un peu plus de niveaux avec l’ensemble des armes. J’ai cependant vite compris qu’il n’y a que six niveaux excluant le seul boss du titre. Celui-ci est aussi victime de cette même faiblesse au niveau de l’intelligence artificielle et comme le jeu nous lance aussi les ennemis en régulier selon la progression en termes de dégâts, on assiste également au plus gros défaut du titre depuis son lancement. Le jeu roule sous Unreal Engine 4 et est malheureusement victime d’une très mauvaise optimisation. Même sur ma RX 5700XT, je souffre de sérieux problèmes de performance dans les arènes de survie et, contre le boss, cela devient plus effroyable. Lorsqu’il y a trop de démons ou d’objets au sol, le jeu cesse de prétendre qu’il peut rouler correctement. Je ne parle pas d’un jeu qui descend sous 60 images par seconde. Je parle plutôt de séquences où ça descend sous la barre de 10! C’est sans oublier le champ de vision qui est remis à la valeur par défaut si on meurt. Il est facile de le constater en utilisant les fonctions alternatives de deux armes qui sont comme la visée rapprochée (Aim-Down Sight ou ADS). D’ailleurs, la visée rapprochée n’était pas dans les jeux de tir des années 90 (j’ai essayé Doom et le Shadow Warrior classique) ce qui amène un élément de contradiction.

Hellbound a tous les ingrédients et une équipe passionnée. Si le jeu avait une meilleure structure de niveau, un meilleur incitatif pour le changement d’armes et une meilleure variété d’ennemis, nous aurions là un bon jeu de tir à rabais qui paie hommage aux classiques. Malheureusement, les références nous arrivent sous le nez et le jeu mérite un peu plus de polissage au niveau des performances, options et autres. C’est dommage car je crois que le studio basé en Argentine avait de bonnes idées. J’espère qu’ils seront capables d’ajouter un peu plus au jeu, revoir certains éléments de leur concept et qu’ils puissent les adapter pour améliorer un peu le tout. Oui, je suis entré dans la trance de tir par moment, mais je suis vite sorti à cause des problèmes de performance.

Verdict: À 17,49$ (taxes excluses) sur Steam pour un peu plus de deux heures et aucune réelle rejouabilité sauf pour les difficultés supplémentaires et le mode Survie, Hellbound devrait revenir sur Terre pour un peu plus de polissage, moins de mots-F et une meilleure examination des meilleurs jeux de tir des vingt dernières années.